MicroTCA Technology Lab, DESY

MTCA : Pourquoi un tel engouement dans l’instrumentation scientifique ?

Déjà décembre et le workshop MTCA for Industry and Research (au DESY à Hambourg, du 10 au 12 décembre) est devenu un évènement incontournable pour de nombreux chercheurs et ingénieurs du domaine de la physique des particules, qui viennent échanger sur ce standard et découvrir les dernières nouveautés. Le succès de cet évènement et sa continuité depuis de nombreuses années s’explique en grande partie par une communauté grandissante qui s’étend bien au-delà de ce monde de la physique des hautes énergies. C’est aujourd’hui de nombreux acteurs de l’instrumentation scientifique de manière plus large, mais aussi de l’industrie, de la défense, des communications, des ordinateurs quantiques ou encore de la vision qui déploient leurs nouvelles solutions sur ce standard MTCA afin de remplacer peu à peu, les anciens standards établis comme le VME et cPCI, tout en offrant de nombreux bénéfices et de nouvelles pistes d’innovation.
Comment expliquer cette recrudescence d’intérêt pour ce standard MTCA alors que certains le pensaient avorter peu après son apparition dans les années 2010 ?

 

Un standard unique et versatile ouvrant les portes vers les très hautes performances

Officiellement lancé par PICMG en 2006 et dérivé de son « grand-frère » l’ATCA, le standard MTCA (MicroTCA ou encore µTCA) s’inscrit dans une approche MOSA (Modular Open Systems Approach). Il a été pensé pour répondre aux nombreuses problématiques et aux limitations observées avec des standards industrielles vieillissants comme le VME ou le cPCI, tout en offrant davantage de granularité, d’évolutivité et de flexibilité. L’objectif était alors de répondre plus efficacement aux besoins de performances et d’innovation émergents dans le monde des télécommunications et de l’industrie. Ainsi, tous les ingrédients requis ont été consciencieusement intégrés dans cette norme, tout en laissant une certaine liberté d’intégration. Centré sur le format de carte AMC (AdvancedTCA Mezzanine Cards) commun entre le standard MTCA et l’ATCA, tout était alors en place pour couvrir une grande diversité d’applications nécessitant des systèmes des plus simples aux plus complexes.

Image 1. Evolution du standard MTCA.

  1. Modularité et évolutivité : Le standard repose sur des briques indépendantes et flexibles pour facilement ajouter, remplacer ou adapter des modules dans le système sans remettre en cause l’architecture et la configuration. Il permet la redondance et le hot-swapping de ces modules.
  2. Performances : Grâce à des interfaces de communication ouvertes et multi-protocoles supportant jusqu’à 40 Gbps par voies sur le backplane, le MTCA permet d’adapter les modes de transferts de données entre les modules et de répondre à de fortes contraintes temps réels de calcul ou d’acquisition de données.
  3. Gestion intelligente des horloges : Afin de limiter la connectique externe, le backplane offre divers signaux dédiés à la distribution d’horloges entre les cartes et vers l’extérieur, y compris pour des besoins de grande précision, et permet également la synchronisation via des signaux dédiés (triggers).
  4. Fiabilité : Pour les besoins de systèmes critiques, le standard a été pensé avec des fonctionnalités de redondance à tous les niveaux (management, alimentation, refroidissement, signaux de contrôle, horloges, transmission de données, …) afin de permettre un service sans interruption et garantir une disponibilité proche de 100 %.
  5. Contrôle et gestion à distance : Tous les éléments actifs sont interconnectés via IPMI (Intelligent Platform Management interface) à une carte MCH (MTCA Carrier Hub) qui assure le contrôle permanent de tous les éléments du système ainsi que la gestion des ressources et des signaux principaux. Une interface logicielle permet une surveillance continue et la gestion à distance par réseau de l’ensemble du système et de ses composantes.
  6. Compacité et granularité : Conçu autour du format de carte AMC, les châssis peuvent être optimisés en taille pour s’adapter à seulement quelques cartes AMC dans des châssis au format 1U ou 2U. Le passage à des châssis 19’’ plus volumineux est cependant possible à tout moment et se fait de manière transparente pour intégrer jusqu’à 12 cartes AMC double largeur et pleine hauteur.
  7. Interopérabilité : MTCA est un standard ouvert supporté par de nombreux acteurs industriels autour de la norme initiale MTCA.0 ou de ses variantes afin de garantir la compatibilité électrique et mécanique entre les divers modules d’infrastructure (châssis alimentations, MCH, …) ou les modules de charge utile (CPU, FPGA, GPU, acquisition analogique et numériques, interfaces et bus divers, …).
  8. Faible Time to Market : l’architecture “Modular Open Systems Approach (MOSA)” permet de faire évoluer ou de composer rapidement un système en fonction de son besoin, du plus simple au plus performant, avec des modules COTS variés. Il est alors possible de débuter un projet avec un système compact d’une ou 2 cartes et de le faire évoluer selon les nécessités projet avec l’ajout de fonctions standards ou par le développement de cartes AMC sur-mesure et parfaitement adaptés à des cas d’usage plus spécifiques.

Le MTCA disposait ainsi, dès son lancement, de nombreux atouts pour couvrir tout type d’applications et pour permettre aux utilisateurs d’optimiser leurs systèmes en fonction de leurs besoins. L’architecture était évolutive pour permettre également l’intégration progressive de nombreuses innovations et d’assurer des échanges de données internes mais aussi vers l’extérieur (agrégation de données) de plus en plus rapides (PCIe gen5, Ethernet 40/100Gbps, …). Pourtant, son adoption n’a pas été aussi rapide qu’espéré et ses débuts ont été chaotiques.

 

Un lancement difficile en période de crise avec une forte aversion au risque

Peu après le lancement du MTCA en 2006, le monde a connu une crise financière majeure (crise des « subprimes ») qui a entrainé une certaine paralysie dans les investissements pendant plusieurs années. De nombreux industriels ont limité les développements et la R&D et l’aversion au risque est devenue très forte. Pour beaucoup d’entreprises, ce n’était plus le moment d’innover ou d’aller vers de nouvelles technologies car il fallait stabiliser l’existant et se restructurer. La tendance était alors à l’exploitation de solutions éprouvées et à leur maintien en conditions opérationnelle malgré les obsolescences et les contraintes observées.

Pourtant, si le monde industriel et des communications s’est écarté de ce standard à ses débuts, le monde scientifique et plus particulièrement celui de la physique et de l’instrumentation de pointe a très vite saisi l’opportunité d’exploiter le MTCA pour permettre une réelle révolution dans leurs expérimentations et dans le renouvellement de leurs infrastructures. De nouvelles fonctionnalités ont alors été intégrées au standard MTCA pour mieux l’adapter à leurs besoins spécifiques.

Le MTCA.4 ou MTCA pour la physique et l’instrumentation de pointe est alors né comme une extension de la norme de base (MTCA.0) afin de permettre à chaque carte AMC, de disposer d’une extension vers l’arrière du châssis par l’ajout de cartes filles RTM (Rear Transition Modules). De tels modules RTM permettaient alors de doubler la surface disponible de chaque carte AMC pour traiter des entrées/sorties supplémentaires, pour rajouter des modules d’accélération dédiés et bien sûr pour accueillir davantage de connectique. C’était aussi l’opportunité de penser les systèmes de manière différentes avec le compartiment avant des châssis, dédié au calcul et au fonctions digitales et un compartiment arrière, plus isolé afin d’accueillir des fonctions RF et analogiques plus critiques.

Des fonctions de distribution d’horloges, de signaux de synchronisation et de signaux RF de hautes précisions entre ces cartes RTM ont également été ajoutées pour adresser les besoins d’applications plus spécifiques comme le LLRF qui peuvent également répondre aux nouvelles problématiques de l’instrumentation pour les ordinateurs quantiques.

 

Un standard devenu trop complexe pour l’industrie et les autres applications ?

L’adoption du MTCA dans le cadre de grands programmes scientifiques et de laboratoires comme CERN, DESY, IN2P3, ESS, GANIL, XFEL, ITER, … a poussé les acteurs et fournisseurs de matériels MTCA à adapter leur offre avec l’ajout de modules davantage orientés MTCA.4. Leur communication et leur marketing s’est alors fortement orienté autour de ces applications cibles et plus complexes, délaissant en apparence les autres marchés pourtant concernés eux-aussi par le vieillissement des autres standards industriels mais nécessitant moins de fonctions élaborées.

Image 2. Utilisation du MTCA dans le laser à électrons libres, XFEL.

Les marchés industriels ainsi que ceux des communications, du médical ou de l’automatisation se sont donc senti écartés du MTCA qui semblait prendre un virage trop « scientifique » et ils ont donc cherché d’autres options plus simples et mieux adaptées à leurs besoins. Il en était de même pour de nombreux laboratoires scientifiques qui avaient des besoins beaucoup plus limités et pour lesquels le passage au MTCA semblait trop risqué ou trop complexe. Malheureusement, hormis le VPX (davantage dédié militaire et plus onéreux) ou encore le PCIe (moins adapté à un déploiement sur le terrain), rares étaient les standards réellement mâtures et ouverts pour leur permettre de bâtir une stratégie long terme.

Or, le MTCA restait pour tous ces acteurs, une option évidente dans sa version de base MTCA.0 avec notamment des châssis très compactes et des modules moins onéreux permettant de couvrir des cas d’usage plus simples.  La modularité du MTCA et son backplane flexible permettait aussi d’accueillir tout type de charge utile au format AMC même à l’unité, que ce soit pour du calcul (FPGA, CPU, GPU, DSP, …), de l’acquisition de données variées (vidéo, analogique, numérique, capteurs spécifique…), pour des applications réseaux ou RF (SDR, SatCom, 4G/5G, …) ou encore pour établir des liaisons de données entre des systèmes distants (EtherCat, PCie over cable, bus et protocoles dédiés, …).

Par ailleurs, tous les ingrédients et les mécanismes du MTCA évoqués précédemment permettaient d’offrir un environnement maîtrisé et fiable pour interconnecter cette grande diversité de cartes électroniques avec des options d’échanges de données à très haut débit et des fonctions de gestion et de synchronisation avancées.

C’est ainsi qu’au cours de ces dernières années, de nombreux acteurs développant des systèmes d’instrumentation plus modestes pour de la simple acquisition de signaux ou avec des contraintes de bande passante ou de temps réels moins fortes, en sont aussi arrivés au même constat que leurs homologues du monde de la physique des hautes énergies. Le MTCA propose toutes les caractéristiques requises pour bâtir une réelle stratégie long-terme et évolutive de lignes de produits ou de système de mesure ou de test variés et ouverts, en combinant et exploitant divers éléments COTS, associés à des modules plus spécifiques à leur besoins, développés sur-mesure.

 

Le format AMC, un très bon compromis pour tous les cas d’usage

Image 3. Une carte AMC, N.A.T. Gmbh.

Si ce standard MTCA séduit de plus en plus de monde, c’est aussi grâce au format de carte AMC au cœur du MTCA (mais aussi de l’ATCA) qui offre de nombreuses possibilités tout en réduisant les contraintes.

  • Une taille compacte pour intégrer des fonctions simples d’acquisition de données ou de traitement de signaux variés, mais suffisante pour accueillir un CPU, un GPU ou un FPGA assez performant.
  • La possibilité de doubler sa taille (format double width) pour augmenter la surface de connectique en face avant, tout en restant 100% compatible des autres modules MTCA.
  • L’absence de connectique onéreuse vers le fond de panier et le reste du système et l’absence de mécanismes complexes de maintien mécanique (même si de telles options restent possibles dans certaines variantes du MTCA plus robustes).
  • Un connecteur fond de panier versatile qui offre de large bande passante sur des protocoles flexibles standards (PCIe, Ethernet, sRIO, …) ou propriétaires, avec des liens vers du stockage de données (SAS/SATA), des signaux d’horloge et de synchronisation, ainsi que pour établir des liaisons point à point entre cartes.
  • La gestion en temps réel de la carte et de ses principales fonctions par IPMI garantit l’interopérabilité et l’opération continue de la carte et permet aussi d’adapter les besoins d’alimentation et de gérer le retrait à chaud (hot-swapping).

Une carte AMC peut donc être relativement indépendante et fonctionner dans un mode « standalone » dans un boitier très compact avec toutes les interfaces requises pour l’interconnecter à des réseaux et la contrôler à distance. Elle peut comporter tout type de fonctions électronique aussi bien pour du calcul, que pour des besoins de connectivité ou de traitement de signaux. Il est également très simple de l’interconnecter avec une ou plusieurs autres cartes AMC afin de constituer rapidement un système complet.

 

Le MTCA : la solution idéale pour le développement expérimental et pour constituer une ligne de produit

Au regard de tout ce qui précède, il devient alors très judicieux pour tout client désireux de mettre au point un système de mesure ou d’instrumentation de réfléchir aux besoins fonctionnels et architecturels de sa solution avant de mettre au point une ou plusieurs cartes électroniques, surtout lorsqu’elles doivent interagir ensemble. Or, le MTCA apporte tout l’environnement nécessaire et éprouvé pour que l’utilisateur puisse ne se concentrer que sur la charge utile et les fonctions principales de son système. Il lui suffit alors de déterminer comment organiser et répartir de telles fonctions clés selon les besoins court termes mais aussi pour préparer les besoins futurs.

Le MTCA étant un standard ouvert, de nombreuses fonctions existent déjà, notamment pour l’infrastructure (châssis, alimentation, refroidissement, contrôle et gestion des châssis) mais aussi au travers de cartes AMC variées (processeurs, FPGA, acquisition de signaux, traitement vidéo, réseaux et communications, …) disponibles en tant que COTS (produits sur étagère). Pour beaucoup d’applications, des fonctions spécifiques doivent être ajoutées et développées. Il est alors important de réfléchir à une stratégie cohérente pour penser le besoin présent mais aussi les évolutions futures.

Par exemple, l’isolation des fonctions plus optionnelles sur des cartes AMC indépendantes permet de rapidement constituer un système autour d’une fonction centrale en optimisant la taille du système à cette fonction clé, puis grâce à l’interopérabilité offerte par le MTCA, de telles fonctions peuvent être intégrées de manière transparente dans des châssis plus gros avec davantage d’emplacements libres pour l’ajout de fonctions additionnelles. La modularité du MTCA permet ainsi de faire évoluer le système à tout moment, en supprimant certaines fonctions et en migrant vers des châssis plus compacts ou au contraire, en l’enrichissant de fonctionnalités supplémentaires par l’ajout de carte additionnelles. Il est aussi facile d’interchanger certaines cartes par des versions plus performantes ou moins coûteuses mais aussi d’envisager une gamme de produit complète avec plusieurs tailles de systèmes proposées et en jouant sur l’assemblage de ces diverses briques selon les besoins.

 

Conclusions

Le MTCA apparaît aujourd’hui comme le seul standard ouvert, réellement mâture et long terme pour rapidement développer des preuves de concepts et des prototypes, mais également pour constituer des gammes de produits complètes et évolutives, dans des formats variés et avec une grande granularité.

Malgré un démarrage assez poussif depuis son lancement en 2006, le MTCA a été construit sur un cahier des charges pertinent, innovant et très complet lui permettant une grande versatilité dans son exploitation, quel que soit le secteur de marché visé, avec des capacités encore peu exploitées aujourd’hui. Après plus de 15 ans d’existence, il a été adopté par une très large communauté scientifique mais aussi industrielle, qui l’a tiré vers des besoins de très hautes performances. Cependant, ses nombreux atouts et sa flexibilité lui ouvre les portes de besoins actuels et futurs beaucoup plus modestes et limités en performances dans lesquels le MTCA peut démontrer toute sa force et sa souplesse d’utilisation. Il offre ainsi à ses utilisateurs une solution évolutive et modulaire, avec la possibilité d’augmenter peu à peu les performances de leurs systèmes et de les adapter aux futures évolutions des besoins, à moindre effort et dans des coûts plus limités.

 

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